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Conclusion

Le village des Salles-sur-Verdon a connu après la mise en eau de la vallée du Verdon une reconversion intégrale. Principalement organisé autour de l'agriculture, l'ancien village des Salles vivait au rythme des saisons et avait une organisation sociale relativement stable qui s'était lentement mise en place au fil du temps. Si les habitants de ce petit village s'attendaient depuis plusieurs années à voir naître un projet hydraulique dans leur vallée, l'annonce de la construction du barrage a retenti comme un coup de tonnerre pour l'ensemble des villageois.

Dans ce travail j'ai voulu mettre en évidence l'adaptation de cette société qui a dû se sacrifier pour l'intérêt général. Ainsi, j'ai tenté de démontrer que la société salloise d'origine fut projetée sans vraiment de transition dans l'ère de la modernité, ce qui a engendré un ébranlement de son équilibre social d'origine. Pour comprendre cette rupture, il m'a fallu sortir du contexte villageois en montrant que le devenir de ce petit village ne faisait pas le poids face aux besoins en eau de l'ensemble d'une région. Le destin de ce village fut donc décidé en haut lieu et on n'a pas vraiment tenu compte de l'avis de cette «poignée de paysans»qui, de toute façon devait tirer le meilleur bénéfice de ce projet. D'un point de vue économique, il est certain que le village des Salles-sur-Verdon n'a pas été perdant puisque la mode de l'eau a apporté un fort développement touristique. Mais la croissance économique ne fait pas tout et au cours de ce travail j'ai voulu montrer le revers de la médaille, en m'attachant à mettre en évidence les carences sociales que ce village commence seulement à surmonter. En effet, le projet du barrage était nécessaire et il n'est pas de mon ressort de le contester mais ce projet s'est traduit pour les sallois par une incompréhension, ils ont été les seuls à se sacrifier pour l'intérêt général et ils n'ont eu aucune reconnaissance en retour. Les Sallois se sont sentis floués et déconsidérés et cela a gangrené les fondations de leur société. Ce qui, pour les personnes de l'extérieur ressemblait à un simple déménagement, fut pour les Sallois une véritable bombe à retardement. Ainsi il ne s'agissait pas seulement pour ces villageois de se reconstruire une maison, il leur a fallu repartir de zéro et se reconstruire une société avec toutes les composantes qu'elle suppose. Ce travail de reconstruction sociale a été le plus difficile à mettre en place. La société salloise d'origine avait perdu ses repères, ses valeurs et ses habitudes, ceux qu'on appelle aujourd'hui les anciens n'ont pas eu la force de faire renaître une nouvelle société salloise si bien que pendant les vingt premières années le nouvel espace villageois fut le théâtre d'affrontements et de rivalités qui ne pouvaient permettre de recréer un équilibre social harmonieux. Toutefois avec le temps et la venue d'une nouvelle population, le groupe social sallois a repris depuis une dizaine d'années un nouveau souffle. Ce nouvel élan les sallois l'ont retrouvé grâce à l'émergence de plusieurs structures associatives, qui ont permis de donner un autre support aux formes de sociabilité qui sommeillaient depuis la destruction de l'ancien village. Ces associations ont ainsi permis de contrebalancer les facteurs exogènes (je veux bien sûr parler des touristes), qui viennent chaque année pénétrer cette société. Grâce à ces associations le groupe social sallois est de nouveau organisé autour d'un noyau fort, elles ont ainsi donné de la vitalité à un groupe social touché d'anomie en lui permettant de voir le futur plus sereinement. Car en plus de contribuer à renouer les liens sociaux, certaines de ces structures associatives ont joué un rôle de tremplin pour les projets concernant l'avenir du village et de ses habitants. C'est cette vue sur l'avenir que j'ai essayé de mettre en évidence en dernière partie. Après avoir mis tant d'années à se reconstruire, le village des Salles-sur-Verdon est, pour reprendre les termes d'un de mes informateurs, «à la croisée des chemins». Aujourd'hui on peut dire que le deuil de l'ancien village est fait et que l'actuel village doit faire face à de nouveaux problèmes qui sont, en grande partie, la conséquence de l'orientation économique de l'ensemble de la vallée du Verdon. En effet, pour faire «passer la pilule»on a projeté la région Verdon dans l'ère du tout touristique. Ce qui, il y a trente ans, semblait être la solution de remplacement idéale à une économie agricole en perte de vitesse montre aujourd'hui ses limites. Bien sûr si on raisonne en terme de rentabilité économique, la reconversion de l'ensemble de la région Verdon a été un large succès, mais si on parle en terme social le constat est tout de suite moins positif : ces villages ne vivent que le week-end et l'été, on n'y trouve pas de logements et donc pas de travail. Ce constat est valable pour l'ensemble des villages du Haut-Var qui n'ont pas eu la possibilité de mettre en place une alternative économique au tourisme et le village des Salles-sur-Verdon donne un bon exemple des problèmes qui découlent de ces choix. Toutefois je n'ai pas voulu rester sur un constat négatif et le village des Salles-sur-Verdon montre également qu'il n'est pas trop tard pour trouver de nouvelles solutions. Ainsi en dernière partie j'ai voulu montrer qu'après avoir réglé les problèmes humains engendrés par le déménagement du village, les Salles-sur-Verdon tentent de jouer un rôle dans le devenir de l'ensemble de la région Verdon. La mise en eau de la vallée a été décidée en haut lieu et pendant trente ans les sallois ont dû reconstruire leur société en fonction de ce qu'on leur avait légué. Tant bien que mal le village s'est donc forgé une nouvelle image mais aujourd'hui les Sallois ne veulent plus que l'on décide pour eux, ils cherchent donc à avoir leur mot à dire dans les décisions régionales et c'est encore par le biais des associations qu'ils tentent de se faire entendre. Mais un petit village ne peut décider seul de l'avenir d'une région, pour avoir du poids, il faut être nombreux et j'ai voulu montrer à la fin de ce travail que l'ensemble des villages qui s'inscrivent dans la zone du parc régional du Verdon cherchent des solutions pour développer leurs «Pays»de façon raisonnée et raisonnable, en préservant au mieux de leurs possibilités son équilibre économique, social et naturel.

En décidant d'étudier ce village, je dois avouer que je ne pensait y pas trouver un tel foisonnement d'idées. Au début de ce travail, je pensais essentiellement travailler sur le concept de mémoire, qui me semblait être le thème majeur de cette étude. Malgré son importance au niveau de la population salloise, je me suis aperçue que les questions d'avenir y avaient un rôle au moins aussi important. La dernière partie de ce travail avait pour but de mettre en évidence les concepts qui ressortaient de cette étude et je n'ai donc pas pu occulter le fait que le village des Salles-sur-Verdon est désormais tourné vers un objectif de développement durable. En dernière analyse j'ai tenté de poser les jalons d'une étude sur les dynamiques de développement de l'ensemble de la région Verdon, ou plus précisément de l'ensemble des Pays du Verdon. Il est indéniable que les décisions concernant l'avenir ne peuvent se faire à l'échelle communale ; à l'heure où l'on parle de décentralisation il serait à mon avis intéressant de chercher à comprendre par quels moyens ces communes cherchent à mettre en valeur l'ensemble de leurs «Pays». Désormais les questions d'environnements sont plus que d'actualité, il serait donc pertinent de comprendre comment, à une échelle relativement réduite, sont gérées ces questions et quels moyens sont proposés pour y répondre ? En effet il serait utile de comprendre dans quelle mesure l'attachement à un terroir et à un mode de vie peuvent inciter les individus à s'impliquer et à prendre part dans les décisions qui concernent l'avenir, pour produire un futur où chaque société humaine vivrait en accord avec le milieu dans lequel elle évolue.


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