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La mémoire remède

Comme on a pu le voir en seconde partie, il y a eu une période noire dans l'histoire des Salles-sur-Verdon, au moment où a été décidée la reconstruction du nouveau village. Après s'être serrés les coudes pour assurer la pérennité de leur société, les Sallois se sont divisés, chacun se battant pour défendre ses propres intérêts. Aujourd'hui, cet épisode est toujours dans les mémoires mais selon M.G. «Maintenant on préfère ne plus en parler, les protagonistes se disent bonjour et ça en reste là». Ainsi le temps a lentement fait oublier les problèmes du passé, même si les ranc\oeurs sont encore vivaces. Mais comme les héritages de l'histoire resurgissent toujours d'une manière ou d'une autre, l'héritage de cette période trouble s'est matérialisé par la destruction de l'harmonie sociale de l'ancien village. Ainsi pour M.C. «Quand je suis arrivé aux Salles, l'ambiance n'était pas très gaie et il y avait une forte animation politique, les gens étaient divisés en clans, mais ceux-ci n'étaient pas vraiment stables, et les histoires touchaient à toutes les sphères de la commune, jusqu'à l'école entre les parents d'élèves. L'ambiance générale était tendue et il fallait que ça cesse». Ainsi le village des Salles-sur-Verdon s'est reconstruit dans la douleur et je serai tentée de dire que ces divergences au niveau politique avaient pour principale source les divergences nées lors de la construction du village. Il y a eu scission entre les Sallois et cela s'est traduit en bataille politique car c'était la politique municipale qui déterminait les choix de développement, or anciens et nouveaux Sallois n'avaient pas forcément la même vision sur l'avenir du village. Tant qu'il y a eu ces batailles politiques le village n'a pas vraiment pu s'épanouir, et je pense que le passé était trop différent et trop douloureux pour qu'il puisse être rappelé ; le deuil de l'ancien village et de son ancienne vie étant trop difficile à faire tant qu'il n'y avait pas une certaine stabilité sociale.

D'après A.Latz, au nouveau village les gens se sont divisés et renfermés sur leurs maisons toutes neuves et j'ajouterai qu'ils ont précieusement gardé les témoignages qui leur restaient du passé. Petit à petit, avec le temps et le développement de plusieurs structures associatives, de nouveaux réseaux de sociabilité se sont mis en place et la société salloise s'est redynamisée. Mais c'est aussi avec la dernière municipalité que la mémoire et le souvenir de l'ancien village ont pris une nouvelle dimension. Le maire, un nouveau Sallois, a décidé de faire quelque chose avec l'image de l'ancien village, pour donner aux Sallois un support physique à leur mémoire en apposant des plaques commémoratives sur les vestiges de l'ancien village, et en faisant implanter au bord du lac une stèle commémorative pour rendre un hommage public et se souvenir de la destruction du village. Après cela fut créée l'association Mémoire des Salles qui donna un nouveau support à l'expression de la mémoire salloise, et qui a permis à chaque Sallois de contribuer à faire vivre cette mémoire. D'après M.A.«Au début quand J.J. demandait des photos de l'ancien village aux Sallois, certains ne voulaient pas lui prêter ou qui n'avaient pas confiance, parce que c'était leurs seuls souvenirs, mais quand ils ont vu qu'il n'y avait pas de problèmes et qu'il leur rendait tout de suite, ils ont été contents que ça serve...». L'ensemble de ces initiatives a ainsi permis de crever l'abcès ; car même si elle est douloureuse, la référence au passé est nécessaire. J'ai été convaincue de cela en allant à la journée de la mémoire, pendant laquelle avait lieu une projection sur l'ancien village. Cette projection, réservée aux membres de l'association Mémoire des Salles qui en était l'organisatrice, durait une heure environ et on y pouvait voir un film retraçant les dernières heures du village, un petit documentaire réalisé par les élèves de l'école, un diaporama sur le village et le lac ainsi qu'un petit film montrant le dynamitage de l'église. Il y a eu deux séances sur le préau de l'école, chacune faisant salle pleine. J'ai assisté à la seconde et malgré l'éloignement des événements, l'émotion était à son comble. Dans l'assemblée on entendait de multiples commentaires et les gens passaient du rire aux larmes en voyant les dernières images d'une partie de leur vie. Après la projection les gens pouvaient visiter une exposition faite par l'assocation où l'on trouvait des maquettes de l'ancien village, des photos et autres coupures de journaux. Il y avait comme un effervescence dans cette pièce, certains se reconnaissaient ou retrouvaient un membre de la famille sur les différentes photos, d'autres se faisaient expliquer les différentes maquettes, à ce moment là, les gens ne se rappelaient plus d'un village détruit et d'une vallée déserte, mais de la vie de l'ancien village... Sans pour autant nier les épisodes tragiques de l'histoire du village, l'exposition et les projections ont ainsi permis de renvoyer aux Sallois une image heureuse du passé. J'ai ressenti une véritable excitation de la part des visiteurs et je pense que la référence à un passé qui est resté longtemps tu était nécessaire pour ce village qui, en montrant son passé aux autres et à lui-même, se reconstruit plus sereinement. Mais il me faut toutefois ajouter que la réminiscence de ce passé ne rend pas compte de l'intégralité des événements passé, pour le président de l'association «Avec l'association on essaie de faire revivre l'ancien village mais on est également obligé de faire très attention à ce que l'on montre, certain événements sont censurés, c'est beaucoup mieux». Ainsi, la mémoire est délibérément utilisée de manière thérapeutique, elle vient avant tout pour calmer les esprits et pour renvoyer une image positive du passé.

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Figure11. Le mémorial.

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Figure12. Plaque commémorative expliquant le mémorial.

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Figure13. Plaque commémorative apposée sur le lavoir.


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