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Introduction

Afin de poursuivre l'aménagement de la région Provence-Alpes-Côte-d'A- zur, le territoire du Verdon a connu au début des années 70 des modifications spectaculaires. Lors du dernier trimestre 1973, des travaux d'utilité publique ont abouti à la création du barrage de Sainte Croix, entraînant l'immersion de 2000 hectares de terres au milieu desquelles se trouvait le village des Salles. Pour mener à bien cette opération, le village fut reconstruit quelques centaines de mètres plus haut. L'émergence de ce lac a entraîné de nombreux changements, surtout pour les habitants des Salles qui se sont subitement retrouvés dans un environnement totalement nouveau.

Durant les trente années qui précèdent, le village s'est lentement reconstruit, au sens propre comme au figuré. Après avoir passé une enfance difficile, on peut dire que le village entre actuellement dans son adolescence. Aujourd'hui les Salles-sur-Verdon comptent 186 habitants et même si au cours de ces trente années le village n'a pas atteint le niveau de développement qu'on lui prédisait, ses habitants se battent pour qu'il demeure un village actif et prospère. La semaine de la mémoire organisée du 6 au 12 mai 2002 et qui englobait la IVefête du printemps est un indicateur des efforts fournis par les Sallois pour faire vivre leur commune. Au cours de cette semaine, la municipalité et plusieurs associations salloises ont organisé conjointement des activités sportives, culturelles, et de sensibilisation à l'environnement 1 . Organisée en dehors de la période d'affluence touristique, cette semaine semble être un condensé de ce qui est important pour le village, et elle est présentée comme «une célébration joyeuse du patrimoine culturel et naturel de la Provence», faite par et pour les Sallois.

Ainsi cet événement résume bien les enjeux qui se présentent aujourd'hui aux Sallois, mais le chemin a été long et difficile avant d'en arriver là. La mise en eau de la vallée du Verdon a engendré des bouleversements dans la société salloise, qui a dû vivre dans un environnement totalement nouveau. Alors que l'ancien village s'était spécialisé dans l'agriculture, le nouveau village a été construit dans une toute autre optique. La société salloise a dû s'adapter à ce changement du mode d'utilisation de l'espace. En effet l'utilisation de l'espace ne se fait pas au hasard, elle est le résultat d'une adaptation au milieu et «à chaque type d'espace correspond un type de groupement spatial, un type d'activité , un type de relations sociales, économiques et politiques»[Latz, 1979 : p.26]. Les Sallois qui se sont établis au nouveau village ont dû composer avec les nouvelles contraintes de l'environnement. En 1979, A. Latz a réalisé une étude psychosociologique sur cette commune et a bien montré les difficultés rencontrées après le déménagement. Ce travail m'a apporté de nombreux éclairages sur les premières années de vie du village, mais l'aspect psychologique de cette étude m'a surtout permis de comprendre le malaise général de l'ensemble d'une communauté villageoise qui n'avait pas encore eu la possibilité de faire le deuil de son ancienne vie. Dans le cadre du présent mémoire ma réflexion se portera sur les stratégies mises en place par la population locale afin d'assurer la pérennité de sa société. Alors que normalement une société se construit au fil du temps, en s'adaptant petit à petit aux contraintes du milieu, aux Salles-sur-Verdon, on a programmé une nouvelle forme d'utilisation de l'espace villageois et ensuite on y a implanté une population.

Dans ce travail je me suis essentiellement intéressée à la construction du village des Salles-sur-Verdon durant les trente dernières années. Mais pour comprendre ce qu'il est aujourd'hui devenu il est toutefois important de connaître son passé. Une première étape de la réflexion m'a donc conduite à m'interroger sur le fonctionnement de la société salloise dans son village d'origine. Comment était organisé l'espace? Quelle était son économie dominante? Quels étaient les rythmes de vie des Sallois? En bref, il est nécessaire de comprendre de quoi était fait le quotidien de cette communauté villageoise. A partir de là, j'ai été amenée à m'interroger sur le contexte de sa destruction. Sans pour autant contester les raisons du projet de la retenue de Sainte Croix, il est important de comprendre pourquoi et comment on en est arrivé là ? A quels enjeux et à quelles attentes ce projet devait-il répondre et quelles en ont été les conséquences? Ceci m'a conduite à me questionner sur la construction à la fois matérielle et sociale du nouveau village. Comment la vie s'est réorganisée dans ces nouveaux murs? Comment les Sallois ont-ils assimilé les transformations de leur société? Quels moyens a-t-elle mis en \oeuvre pour reconstruire un noyau social fort? Cette série de questions m'a amenée à mettre en évidence les enjeux qui ont une importance pour l'avenir des Sallois. Quel rôle joue la mémoire de l'ancien village pour l'avenir de la communauté salloise? Comment est géré l'héritage d'un environnement naturel fragilisé? Et enfin quelle rôle joue le nouveau village des Salles-sur-Verdon dans le devenir de l'ensemble de la région Verdon?

Pour répondre à cette série de questions la problématique suivante m'a paru la mieux adaptée : A partir de l'analyse historique et spatiale du village des Salles-sur-Verdon et en fonction des facteurs endogènes et exogènes qui le constituent, ce travail s'attachera à comprendre de quelle manière ce village est parvenu à se reconstruire et quelles dynamiques sociales s'y sont développées après qu'ont été détruits les fondements de sa société ?

Afin de répondre à cette problématique, ce travail se déroule en quatre parties. La première prend la forme d'une brève monographie car il m'a paru nécessaire d'expliquer au lecteur ce qu'était l'ancien village des Salles, pour mettre en évidence le décalage qu'ont subi les Sallois au lendemain de la construction du barrage. La seconde partie présente le contexte dans lequel se sont enchaînés les événements. Ainsi je suis sortie du champ villageois pour mettre en évidence les attentes de l'ensemble d'une région et pour éclairer les problèmes survenus par la suite au sein de la communauté villageoise. La troisième partie s'attache à décrire la vie au nouveau village, les difficultés des premières années et les stratégies mises en place par le nouveau groupe social villageois pour faire vivre le village. Enfin, la quatrième partie met en évidence les concepts qui ressortent de cette étude villageoise, à savoir la mémoire et ses différentes fonctions ainsi que la prise de conscience de posséder une patrimoine naturel fragile qu'il est important de préserver. Cette dernière partie se veut être un élargissement du sujet sur l'ensemble de la région Verdon et une mise en évidence des enjeux qui ont un rôle capital pour l'avenir de sa population.

1.5


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